· Introduction La Constitution de la République de Guinée-Bissau stipule dans son article 59 que les organes de souveraineté sont : le Président de la République, l’Assemblée Nationale Populaire, le Gouvernement et les Tribunaux. Le même article établit que l’organisation du pouvoir politique repose sur la séparation et l’indépendance des organes de souveraineté et leur subordination au respect de la Constitution. · Les institutions intervenantes dans le domaine de la justice Le système judiciaire repose sur quatre piliers institutionnels qui fonctionnent de manière indépendante à savoir: les cours et tribunaux, le parquet, l’Ordre des Avocats et le Ministère de la Justice. Les organes de gestion de la magistrature: Conformément au titre 7 de la Constitution le pouvoir judiciaire apparaît comme un pouvoir indépendant : les tribunaux sont présentés comme des organes de souveraineté chargés de l’administration de la justice au nom du Peuple. Pour concrétiser l’indépendance du système judiciaire, les autorités nationales ont créé des organes autonomes chargés de la gestion de la magistrature aussi bien du parquet que du siège. Concernant le parquet, cela se fît à travers la loi organique du Ministère Public 7/95, du 25 juillet 1995, qui a mis en place le Conseil Supérieur de la Magistrature du Ministère Public (CSMMP) en lui attribuant entre autres compétences la gestion de la carrière et de la discipline des magistrats du Parquet. Concernant la Magistrature Judiciaire la loi 1/99, du 29 septembre sur le statut des magistrats crée par son article 60 le Conseil Supérieur de la Magistrature Judiciaire (CSMJ) ; organe supérieur chargé de la gestion de la carrière et la discipline des magistrats judicaires. De par leur composition et leur mode de fonctionnement, ces organes sont indépendants. Cependant certains évènements comme le remplacement en cours de mandat du Procureur General de la République qui assure la présidence du CSMMP, ainsi que les élections du Président et du Vice-Président du Tribunal Suprême de Justice respectivement Président et Vice-Président du CSMJ ont permis de mettre évidence la fragilité du principe d’indépendance de la justice d’une manière générale et surtout, la nécessité de procéder à des réformes pour renforcer les capacités de ces institutions. L’Ordre des avocats de Guinée Bissau (OAGB) a la responsabilité de l’organisation de la profession d’avocat et de la défense des droits des citoyens de manière générale. C’est l’institution chargée de conférer la qualité et d’autoriser l’exercice de la fonction d’avocat : environ 200 avocats sont régulièrement inscrits au barreau. L’OAGB dispose de peu de moyens et n’est souvent pas en mesure d’assurer l’aide judiciaire au profit des populations les plus pauvres surtout en régions. Le Ministère de la justice est le département gouvernemental chargé entre autres, de formuler, proposer, coordonner et exécuter les politiques du Gouvernement en matière de justice. Cependant une bonne part de ces services ne sont pas encore créés (le Secrétariat General, le cabinet d’étude et de planification et de relations internationales…) et ceux qui sont fonctionnels ne disposent souvent pas de ressources leur permettant d’accomplir leur mission de manière efficace. De fait, les faiblesses de ces institutions affectent lourdement la performance générale de la justice en Guinée Bissau. · Une justice qui ne répond pas aux besoins des populations En Guinée Bissau, la formation du personnel judiciaire est de la responsabilité du Centre de Formation Judiciaire (CENFOJ) qui assure la formation initiale permettant l’accès à la carrière de magistrat et autres agents judiciaires. Cependant, la formation continue et spécialisée reste assez limitée, faute de ressources financières. Ainsi, dans plusieurs régions, des juges exercent sans posséder de diplôme de droit, ce qui est une exigence pour l’admission dans la Magistrature. Par ailleurs, il arrive souvent que des nominations de magistrats formés soient retardées pour manque de ressources financières et budgétaires. Aussi, du fait du faible niveau de rémunération des fonctionnaires en général, certains magistrats et autres agents judicaires n’hésitent pas à exercer d’autres fonctions, qui entrent parfois en conflit avec leur statut professionnel. Pour la progression dans la carrière, il n’existe pas de concours basés sur des critères objectifs prédéfinis, qui valorisent la préparation technique, la performance et le profil des magistrats et des autres agents judiciaires. Sur le plan institutionnel, en l’absence d’une Carte Judiciaire dûment conçue qui tienne compte de la réalité socioculturelle et des conditions de communication existantes dans le pays, une partie significative du territoire national n’est pas couverte par les services judiciaires. Le fonctionnement des tribunaux, particulièrement ceux installés à l’intérieur du pays, est affecté par l’insuffisance voire l’absence de fonctionnaires, d’infrastructures et d’équipements. Dans certaines zones du territoire, les tribunaux n’ont pas encore été installés, tandis que dans d’autres, ils ont cessé de fonctionner faute d’infrastructures ou du fait de leur dégradation. Il arrive souvent que des tribunaux fonctionnant dans des bâtiments loués, soient expulsés, pour loyers impayés. Par ailleurs, l’ensemble des avocats sont installés à Bissau, ce qui a des conséquences sur la qualité de la défense des justiciables dans les régions et met en péril le droit à un procès équitable. Le manque d’informatisation des greffes et secrétariats des tribunaux accentue les lenteurs dans les procédures et rend ardue la production de statistiques fiables qui permettent d’appuyer les politiques de réforme, nécessaires au bon fonctionnement du secteur de la justice. L’évaluation de la performance fonctionnelle et de la productivité des agents de la justice, à travers les inspections est inexistante faute de moyens. Dans ces conditions, la définition d’indicateurs et de standards de qualité permettant l’évaluation du système judiciaire en général est illusoire. Au surplus, des blocages dans les relations interinstitutionnelles minent les possibilités de créer un système statistique intégré permettant de fournir un éclairage adéquat sur la performance de la justice et son évolution. Cette situation déficiente entame l’autorité et la motivation des acteurs judicaires et partant, fonctionnement même de la justice. · Le Programme de Réforme de la Justice (PRJ). Fort de ce constat, les autorités nationales se sont engagées dans un processus de réforme qui s’est concrétisé par l’élaboration d’un Programme de Réforme de la Justice (2015-2019). Ce Programme constitue actuellement le document national de référence pour toutes les interventions dans le cadre de la réforme de la justice en Guinée-Bissau. Il a pour objectif la transformation intégrale du secteur de la justice basée sur un changement profond de comportements et d’attitudes des acteurs judicaires. Il prévoit l’assimilation de nouveaux concepts, comme la notion de prestation de services de qualité en faveur des citoyens. Ces derniers sont désormais considérés comme des clients détenteurs de droits en quête de services, et non comme de simples usagers bénéficiaires de prestations dont la justification est centrée sur la satisfaction de l’intérêt fonctionnel du prestataire. Pour ce faire, le PRJ s’articule autour de 5 axes d’intervention: • Un système judiciaire plus indépendant et transparent. • Un système judiciaire plus efficace. • Le renforcement des capacités humaines et matérielles. • La réforme du cadre juridique. • L’amélioration de l’accès au droit et à la justice. Le renforcement des capacités constitue un thème transversal dans le contexte de la réforme. De fait, en se basant sur le résultat du diagnostic relatif aux capacités institutionnelles du secteur judiciaire, les principales interventions du PRJ contribuent in fine au renforcement des capacités des institutions nationales, notamment leurs capacités à répondre aux préoccupations des citoyens tout en veillant au respect et à la protection de leurs droits fondamentaux. Dans cette optique, plusieurs propositions novatrices sont formulées en matière de renforcement des capacités institutionnelles organisationnelles et humaines dans le PRJ en vue de la réorganisation du système judicaire par l’adoption de nouveaux modes d’organisation et de fonctionnement. Dans le cadre de la mise en œuvre du PRJ, le PNUD a reçu une contribution de la Banque Africaine de Développement (BAD) afin d’appuyer le développement des capacités du secteur de la justice à travers le Programme Commun du Système des Nations Unies d’Appui à la Police, la Justice et aux Services Pénitentiaires (Joint Programme for Police, Justice and Correction). Les présents termes de références ont pour objet le recrutement d’une expertise technique pour l’élaboration d’un plan de renforcement des capacités des institutions intervenant dans le cadre de l’administration de la Justice en Guinée Bissau. |